Nous commençons la semaine la plus sainte de toutes : la semaine Sainte. L’Eglise se plonge davantage dans le mystère pascal du Christ, Lui qui « en aimant les siens, les aima jusqu’au bout » (Jn13,1) C’est la semaine de l’Amour de Dieu, puisque devant nos yeux sera manifestée la puissance de l’amour qui englouti la mort. Or, dans le monde contemporain, les manifestations de mort semblent beaucoup plus abondantes que celles de vie : récemment la mort de l’évêque catholique de Mossoul, nord de l’Irak, de plus en plus d’attentats terroristes, des manifestations d’extrémisme de toute parts, des familles déchirées, des enfants abusés, le taux de suicide énorme, enfin, la mort semble régner !
Eh bien, le chrétien ose l’amour. Le chrétien ose l’espérance. Notre foi est espérance qui ne deçoit pas. Et cela parce que ce ne sont pas sur les événements du monde que se fonde notre foi, mais sur une personne, sur Dieu Lui-même. Le Christ Ressuscité est la preuve que la mort existe pour être traversée, et non pas pour être la fin de tout. Juste après l’attentat au World Trade Center, Jean Paul II a dit : « Même si le mal semble régner, nous savons que ne lui appartient pas le dernier mot ». Le mal est un grand mystère, mais Dieu l’a vaincu en prenant sur lui-même sa virulence et en répondant la haine pour l’amour.
Voilà la grande dynamique de notre salut : celle qui a son origine au sein même de la Sainte Trinité. Dieu est don et accueil, car c’est cela l’amour : échange de vies, accueil total et don total. Nous sommes entraînés dans cette dynamique à partir du mystère Pascal du Christ qui est cela : Il s’offre complètement au Père qui l’accueille. La Résurrection est la réponse du Père au don total de son Fils. Nous, baptisés, par chaque mort quotidienne, nous nous offrons et nous nous recevrons des mains du Père. Celui qui donne son consentement au don de sa propre vie et fait de ce mouvement un don d’amour, recevra en retour sa propre vie transfigurée parce que reçue des mains même de Dieu. Le monde lui-même sera métamorphosé car c’est le Christ la source de l’univers, « tout a été fait par Lui », nous disait Saint Jean dans son prologue. Et tout est en trains d’être refait par Lui, dans la dynamique de mort et vie, croix et résurrection, don et accueil. Voilà la logique de Dieu, si nous pouvons parler d’une logique. C’est plutôt une sagesse.
Or, en quoi cela nous concerne-t-il ? Le Père Molinié peut nous aider : «Dieu nous attend tous au point le plus bas d’un immense effondrement, creusé en nous par ce qu’on appelle les déceptions et les cruautés de la vie. Quand on entrevoit ce qu’est l’homme et ce qu’est Dieu, on entrevoit aussi qu’il n’y a pas d’autre salut possible : notre cœur alors devient brûlant comme celui des disciples d’Emmaüs, car il commence à pressentir, au plus profond de la détresse et de la nuit, l’aurore de la Joie excessive qui fera exploser le monde à la fin des temps » (Père Molinié) Toute réalité humaine sera bouleversée et transformée par la puissance de l’amour du Christ. Toute haine, désespoir, maladie, souffrance, a déjà été englouti par la mort et résurrection de Jésus. Le bien est déjà victorieux, sauf que nos yeux sont trop blessés et nous ne sommes pas éduqués pour voir l’amour et le bien, qui sont si discrets mais cependant éternels ! Tant de vies données, tant de personnes qui se donnent à fond aux autres, aux nécessiteux, une Mère Teresa, un Jean Paul II , et une multitude d’anonymes qui, comme Jésus, aiment jusqu’au bout. Voilà la puissance de la Croix et de la Résurrection qui transforment par l’intérieur les cœurs qui refusent la médiocrité.
Que faut-il faire, alors ? Nous savons que la liturgie « actualise » ce qu’elle célèbre. C’est-à-dire, puisque le mystère pascal atteint tous les temps parce qu’il s’inscrit dans l’éternité de Dieu, en le célébrant en cette semaine de manière plus intense, l’Eglise nous met en contact directe avec tous ces événements. La puissance de l’amour de Dieu est plus que jamais à notre portée. Il faut donc nous « exposer » à cet amour, par la prière, la méditation de la Parole, la participation fervante aux célébrations liturgiques. Il faut désirer recevoir de Dieu une vie nouvelle. Il faut y croire aussi. « Entrons dans le combat du Christ », nous dit la liturgie du carême. Nous devons en quelque sort, en nous saisissant des paroles de Saint Thomas, « nous aussi mourir avec Lui »( Jn 11,16 ). Nous ne pouvons pas vivre cette semaine comme toutes les autres. Il est urgent de ne pas laisser passer la Grâce de Dieu qui est là. Dieu ne nous demande que de petits gestes, mais pleins de signification, pour qu’Il fasse tout le reste : éteindre notre télé, ne pas nous laisser engloutit par tant de distractions et vivre cette semaine comme une « retraite ». Saint François d’Assise disait : « Nous avons un ermitage et un ermite en nous. Frère corps est notre ermitage. Notre âme est l’ermite. Rentrons au plus profond de nous-mêmes et rencontrons le Seigneur qui y est présent et nous attend. »
Oui, frères, laissons résonner dans nos cœurs le cri que la Parole de Dieu nous lance : « Aujourd’hui, si vous entendez ma voix, n’endurcissez pas votre cœur comme autrefois »(He 3,7-8) « Voici le temps favorable ! Maintenant est le jour du salut ! » (II Co 6, 2). Que la Vierge Marie, témoin privilégiée de tous les événements de notre salut, nous aide à nous « laisser faire » par la Grâce de Dieu. Bonne semaine sainte à tous.
Daniel Ramos
Communauté Catholique Shalom