«Il y a un temps pour tout », dit l’Ecclésiaste. « Un moment », dira une autre traduction, « pour chaque chose sous le soleil ». L’auteur continue en répétant les mots, sans la moindre hâte, créant dans son récit, un rythme qui par lui-même exprime ce que l’auteur veut dire : chaque chose a son temps, chaque chose a son rythme.
« Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir,
Un temps pour planter, et un temps pour arracher le plant,
Un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures,
Un temps pour démolir et un temps pour construire.
Il y a aussi un temps pour pleurer et un temps pour rire,
Un temps pour se lamenter et un temps pour danser,
Un temps pour jeter des pierres et un temps pour en ramasser,
Un temps pour embrasser et un temps pour s’en abstenir.
Il y a un temps pour chercher et un temps pour perdre,
Un temps pour conserver et un temps pour jeter,
Un temps pour déchirer et un temps pour recoudre,
Un temps pour garder le silence et un temps pour parler,
Un temps pour aimer et un temps pour haïr,
Un temps pour la guerre et un temps pour la paix. » (Ecl 3, 2-8)
Comment ne pas prier avec ce passage à chaque fin d’année ? Comment ai-je vécu le temps que le Seigneur m’a offert ? Comment ai-je réglé mon pas sur le sage métronome qui marque le rythme de la vie, de tout ce qui existe sous le soleil, y compris moi-même ? Qui est né ? Qui est mort ? En quoi suis-je né ? En quoi suis-je mort ? Qu’ai-je planté ? Qu’ai-je cueilli ? Qu’ai-je détruit ? Qu’ai-je construit ? Comment ai-je pleuré ? Comment ai-je ri ? Comment ai-je vécu le combat et la danse ? Qui ai-je accueilli ? Qui ai-je quitté ? Qui ai-je laissé partir ?
Comment ai-je parlé ? Comment me suis-je tu ? Qu’ai-je tu ? Pourquoi me suis-je tu ? Qu’ai-je dit ? Comment ai-je parlé ? Pourquoi ai-je parlé ?
Ai-je détesté ? Fais la guerre ? J’ai perdu alors tout mon rythme, tout mon temps. J’ai gâché inutilement le temps que le Seigneur m’a donné. J’ai traversé les barrières qui marquent le rythme de la vie, y compris la mienne. J’ai tué et je suis mort. J’ai planté mais je n’ai pas cueilli. J’ai détruit. Si j’ai ri, c’était une mimique. Si j’ai pleuré, c’était de dégoût. Si j’ai dansé, c’était grotesque. Si j’ai accueilli, cela fut seulement moi-même. Tout et tous j’ai snobé. Mes paroles ont détruit, mon silence ne fut qu’omission, fausse protection contre moi-même. J’ai détesté.
Ai-je aimé ? Alors j’ai construit et promu la paix, j’ai rencontré, alors, le sage rythme de la vie, le temps intérieur seulement connu de celui qui aime. J’ai bien profité du temps que m’a donné la Providence. J’ai dansé, heureux et équilibré, conduit par mon divin partenaire, et des valses, et des nocturnes, et des ballades, et des polkas et mazurkas, suivant le métronome qui marque le rythme de la vie, de toute vie, de ma vie, de ta vie. J’ai dansé avec toute la création, avec Dieu et les frères. Je me suis laissé guider par un habile cavalier. Je suis né et j’ai donné la lumière. J’ai planté et j’ai cueilli. J’ai enterré la laideur, j’ai cueilli la beauté, le bien, la vérité. J’ai ri, heureux d’accueillir, dans les tournants du renoncement de l’amour, mon frère, la vie, les circonstances. J’ai tournoyé, confiant et tranquille, gardant les secret de l’amour dans mon cœur. J’ai aimé.
Et alors j’ai aimé, et j’ai détesté ? Naturellement. Je suis pécheur. Je suis imparfait. Je suis humain. J’ai simplement vécu. J’ai cueilli les fruits de ma haine et de mon amour.
Une chose que je sais, avec la plus grande certitude, c’est que j’avais, moi, de même que toi, l’amour du Père en toute circonstance. Le salut du Fils tous les jours de notre année. L’action sanctificatrice de l’Esprit, disponible en toute occasion. Créateur et créature nous avons dansé ensemble, comme père et fille dans la fête du 18ème anniversaire, comme un couple de mariés pendant les noces, entourés toujours par de nombreux autres couples, des milliers, millions, des milliards d’autres couples.
Nous arrivons à la fin d’une autre année de notre belle sonate de vie. Nous avons besoin d’appuyer sur la touche replay et de la regarder une autre fois, sereinement, en écoutant les détails perdus dans la course, dans l’émotion des événements : des notes subtiles, des bandes résonantes, des échos déconcertants.
Commence une nouvelle page. Combien de mesures auront nous ? Quels thèmes se répéteront ? Quels nouveaux tons seront adoptés ? Quelles nouvelles phrases musicales seront reliées, recréées ? Quels autres instruments entreront ? Quelle interprétation choisirons-nous de donner ? Quels pas créerons-nous ? Comment ferons-nous la lecture, mesure à mesure ?
Dieu le sait ! Et c’est en cela que réside notre tranquillité, notre confiance. Nous ne savons pas ce qui viendra, mas pour les thèmes, les phrases, les harmonies et les mesures, pour le rythme et pour le ton déjà joués, nous savons que, jouée à quatre mains, notre composition sera belle. Le rythme, parfois entrecoupé, se combinera avec les hoquets. La mesure dans son battement conventionnel, évoquera la routine, qui révèle aussi la beauté. Les notes qui volent, la prière. Celles qui restent en mémoire, la contemplation. Celles qui marquent la base, la conviction. Celles qui dessinent la mélodie, l’ingéniosité.
Dieu le sait ! Dieu le sait ! Dieu le sait ! Que la proposition d’une vie hallucinante ne nous séduise pas. Que le rythme de l’évangélisation, de l’amour, celui-ci, oui, qu’il soit hallucinant, sans mesure : Jésus a soif, il est pressé. Le rythme intérieur, cependant, qu’il soit ce secret, confiant, sage, patient, comme celui de Marie : « Dieu le sait ! Dieu le sait ! Dieu le sait ! Tout passe ! Dieu reste ! Dieu le sait ! Il y a un temps pour tout sous le soleil. N’ayons pas peur ! Dieu le sait ! Dieu le sait ! Dieu le sait ! «
En cette année, concède-nous notre Dieu de pouvoir danser tranquillement, sur le rythme intérieur du mystère de la vie.