Le thème des charismes est redevenu d’actualité, après une longue parenthèse[1]. En effet, on assiste à l’émergence du « mouvement du réveil de l’Esprit dans les proportions les plus importantes de toute l’histoire du christianisme », de sorte que cette époque « se présente comme une époque du charisme, rappelant en réalité que le temps de l’Église est toujours le temps de l’Esprit »[2].
Parmi les charismes que nous voyons émerger aujourd’hui, il en est un particulièrement intéressant, le « don des langues » ou « glossolalie » qui suscite, à notre époque comme au moment de l’Eglise naissante, curiosité et questions.
Comment ce charisme s’est-il manifesté dans la communauté chrétienne primitive ? Quels enseignements Paul offre-t-il à cet égard ? Nous tenterons de trouver des réponses à ces questions dans les chapitres 12 à 14 de la Première Lettre aux Corinthiens, qui traitent des charismes ou des dons spirituels.
Le glossolale prononce des mots incompréhensibles, sans intelligibilité rationnelle. Paul parle de « langues des hommes et des anges » (1 Cor 13, 1), c’est-à-dire « un langage exceptionnel qui embrasse le monde humain et céleste »[3] et qui nécessite une interprétation qui soit également d’origine divine.
Paul était lui-même glossolale (cfr. v. 18) et enseigne que la glossolalie sert à l’édification personnelle (cfr. v. 4). Dans la mesure où c’est une prière, c’est un don légitime de l’Esprit (cfr. 12, 10).
L’interdiction paulinienne de parler dans l’assemblée en l’absence de l’interprète (1 Cor 14,27) est compréhensible étant donné la nature des réunions de la communauté et la nature de la construction des charismes (voir v. 26b). Cette interdiction s’ajoute à la concession faite au glossolale de dialoguer avec Dieu ; à présent, lors des réunions de groupes charismatiques actuels, on écoute la prière et le chant en langues, même en l’absence d’interprétation respective. Cependant, nous n’entendons pas ignorer l’indication paulinienne, mais cette même prière en langues est reconnue comme « un moyen de l’Esprit d’édifier la communauté, de manifester sa présence »[4], un signe potentiel qui sert « d’appel à ceux qui cherchent la vérité »[5].
Une limite non négligeable de ce charisme réside dans le fait, déjà souligné par Saint Paul, de laisser une intelligence sans fruit (voir 1Cor 14,14). En fait, s’il n’est pas intégré dans la vie des fidèles, dans la vie sacramentelle et dans la relation avec les Saintes Écritures, il risque de devenir une explosion de sentiments, vide d’une véritable expérience avec Dieu.
En plus d’être un signe potentiel de la présence de l’Esprit et de transcender le schématisme des mots et des concepts[6], il est possible d’indiquer comme valeur de cette expérience l’approfondissement de la prière personnelle, de la relation avec Dieu. « … l’Esprit vient en aide à notre faiblesse car nous ne savons pas prier correctement, mais l’Esprit lui-même intercède en des gémissements inexprimables » (Romains 8,26).
Enfin et surtout, il convient de garder à l’esprit ce don de Dieu qui est le plus excellent de tous les dons, et qui est le contenu et le critère d’évaluation de ces derniers, la charité : « Il est nécessaire que l’amour les lie et les harmonise en vue de l’unité du corps du Christ »[7].
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[1] G. Barbaglio, S. Danich. Nuovo Dizionario di Teologia, in “Carismi” San Paolo, Milano 1988, 105
[2] R. Cantalamessa. Il canto dello Spirito. Meditazioni sul Veni Creator, Ancora, Milano 1998, 8.108.
[3] R. Fabris. Prima Lettera ai Corinzi. Nuova versione, introduzione e commento. Paoline, Milano 1999, 175
[4] Cantalamessa, Il canto dello Spirito, 242
[5] Grasso, Carismi, 196
[6] Cantalamessa, Il canto dello Spirito, 242
[7] San Bernardo, in Cant. Sermo 49, II, 5, in Grasso, Carismi, 36